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Les déchets comme matière première
"En tant que plus grand producteur de déchets en Suisse, le secteur de la construction a un rôle de pionnier à jouer pour réduire la quantité de déchets". - Marloes Fischer
Chaque année, la Suisse produit jusqu'à 90 millions de tonnes de déchets
29.08.2022 – Entretien avec Marloes Fischer, directrice générale de Madaster Services Suisse
Votre approche est de construire sans déchets - n'est-ce pas tout simplement naïf ?
En tant que plus grand producteur de déchets en Suisse, le secteur de la construction a un rôle de pionnier à jouer pour réduire la quantité de déchets. Les objectifs sont clairs : d'ici 2050, la Suisse doit atteindre la neutralité climatique, ce qui signifie des émissions nettes nulles. Pour y parvenir, il faut avant tout réduire globalement les émissions dans le secteur du bâtiment, et ce tout au long de son cycle de vie, car il est à l'origine d'environ un quart des émissions suisses de CO2. La prochaine révision de la loi sur la protection de l'environnement (LPE) doit fixer au plus vite des valeurs limites et des exigences claires, mais aussi des incitations, afin de donner un coup de pouce au secteur.
Comment réduire les émissions ?
Chaque année, plus de 17 millions de tonnes de déchets sont générés par la transformation et la déconstruction de bâtiments. Pour changer cela, nous devons penser de manière plus globale, et ce dès le début : de la production avec des matériaux de construction recyclables, en passant par une matérialisation appropriée, jusqu'à une construction démontable et une gestion qui prolonge la vie, ainsi que la transformation et le démontage. Nous réutilisons donc beaucoup de choses qui finissent aujourd'hui à la décharge ou qui sont insuffisamment recyclées. Les déchets peuvent donc être considérés et utilisés en grande partie comme des matières premières. Si nous pensons ainsi, nous construisons avec de nouvelles ressources - au lieu de les appeler des déchets.
Il ne suffit donc pas de se préoccuper "seulement" du recyclage ?
Exactement. Si nous ne pensons qu'au recyclage des matériaux de construction, la consommation de ressources et donc les dommages environnementaux ont déjà eu lieu. Lors du recyclage, les déchets sont à nouveau transformés en matières premières, mais la plupart du temps dans le sens d'un downcycling avec perte de valeur. L'objectif de l'économie circulaire est de conserver les produits le plus longtemps possible dans le système économique avec la plus grande valeur possible.
Le remède miracle s'appelle la construction circulaire - qu'est-ce que cela signifie ?
Construire de manière circulaire, c'est prendre ses responsabilités pour la génération future. Un faible impact sur l'environnement fait partie intégrante de la planification, tout comme la facilitation de la déconstruction ou de la transformation grâce à la construction modulaire. Alors pourquoi ne pas penser à la fin dès le début ? Si les exigences des utilisateurs du bâtiment changent ou si le bâtiment n'est plus nécessaire, tous les matériaux de la maison peuvent être identifiés, retirés et réutilisés. Même en cours d'exploitation, les données sur les matériaux permettent de comprendre comment éviter les erreurs ou les défauts.
C'est pour cela que vous avez créé la plateforme Madaster. Comment fonctionne-t-elle ?
Dans notre bibliothèque en ligne, le cadastre des matériaux, les informations relatives aux ressources des bâtiments sont téléchargées par leurs propriétaires ou leurs prestataires de services, préparées et mises à disposition dans des passeports de matériaux - l'identité numérique. Cela permet pour la première fois une transparence totale sur la valeur financière et circulaire ainsi que sur la qualité des matériaux utilisés ou à utiliser - de la planification à la construction, de la gestion à la transformation et au démantèlement. Les bâtiments qui peuvent faire état de la réutilisation, de la valeur des matériaux utilisés et de leur impact sur l'environnement dans un passeport des matériaux obtiendront à l'avenir de meilleurs revenus locatifs et entreront ainsi davantage en ligne de compte pour des conditions de financement intéressantes.
Quels sont les autres avantages ?
Outre la nécessité de réduire l'impact sur l'environnement, il est également nécessaire pour le maître d'ouvrage de penser à long terme d'un point de vue financier. Ainsi, il y a une différence entre des coûts de démolition et d'élimination élevés à la fin de la durée de vie d'un bâtiment et la possibilité de monétariser des valeurs de matières premières pertinentes par la réutilisation. Aujourd'hui, environ 20 % des coûts de construction sont liés aux matériaux. La tendance est à la hausse. Dans le cas d'une maison construite de manière circulaire, l'investissement initial est certes plus élevé, mais il est certainement déjà positif aujourd'hui si l'on considère le bilan global des coûts du cycle de vie et de la valeur résiduelle.
Cette approche est-elle déjà acceptée ?
De plus en plus d'entreprises commencent à s'intéresser à ces mécanismes et à trouver des solutions. Les premiers projets de construction à cycle fermé ont vu le jour en Suisse. Cependant, les connaissances sur les matériaux utilisés et leur séparabilité font encore défaut aujourd'hui. Pourtant, cela est nécessaire pour construire de manière circulaire. Pour pouvoir planifier l'avenir, nous avons besoin des connaissances d'hier et d'aujourd'hui. C'est ce que nous partageons sur la plateforme Madaster, sur laquelle sont déjà enregistrés plus de 80 bâtiments de partenaires commerciaux. Dans quelques semaines, nous proposerons également en Suisse le passeport des matériaux pour les maîtres d'ouvrage et propriétaires privés.
Où pourrait se situer le potentiel des coopératives de construction ?
En tant que copropriétaires, les habitants portent ensemble la responsabilité de l'ensemble de la coopérative. Une coopérative de construction est un partenaire idéal pour les madasters, car le groupe a un intérêt inhérent à réaliser ensemble le "meilleur possible" défini en commun.
